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Le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande ; l’Amazonie en Colombie ; des glaciers en Inde, ainsi que des fleuves, lacs, forêts, ou la Terre mère en général : ces éléments naturels ont comme point commun d’avoir acquis une personnalité morale dans la dernière décennie. Ils ont le droit d’aller en justice pour défendre leurs droits et sont dotés de représentants humains pour parler en leurs noms.
Surtout, ils montrent l’évolution du regard porté sur la nature et notre relation à l’environnement.
Le statut de personnalité juridique est différent de celui d’une personne humaine. Il ne s’agit pas de prétendre que la nature est humaine, mais plutôt d’affirmer qu’elle a une valeur intrinsèque, une valeur morale. Dans certains cas, comme la montagne Taranaki en Nouvelle-Zélande, ce n’est en
réalité pas la montagne elle-même qui se voit reconnaître des droits, mais une « entité », qui exprime l’inséparabilité entre la montagne et la communauté Maori qui vit autour d’elle.
Ce statut traduit en droit une relation spécifique entre l’Homme et la Nature, dans une logique différente de la simple protection de l’environnement.
A la différence du patrimoine mondial de l’humanité, qui comprend plus de 200 éléments naturels, il ne considère pas la planète comme une propriété dont l’homme peut disposer à sa guide. Il ne s’agit pas non plus de placer la nature au-dessus de l’homme, mais de coexister de manière harmonieuse
et équilibrée.
L’académicien Michel Serres anticipait déjà en 1990, dans son ouvrage Le contrat naturel, que le contrat social doit se transformer en « droit de symbiose [qui] se définit par la réciprocité : autant la nature donne à l’homme, autant celui-ci doit rendre à celle-là, devenue sujet de droit ».
Accepter ce que la nature a à nous offrir, tout en lui permettant de se régénérer.
Entrer dans une relation respectueuse et soutenable autant pour l’homme que pour l’environnement où il vit et qui lui permet de se nourrir et de progresser.
Réconcilier l’homme avec le monde autour de lui, mais aussi avec lui-même, entre intérêts locaux et intérêt général.
La culture et le mode de vie maori considèrent l’humanité comme un élément d’un réseau familial, dans lequel les humains sont des frères et sœurs plus jeunes que les autres espèces, êtres et formes de vie. Si la nature a un rôle nourricier, l’homme n’est pas fondamentalement séparé d’elle : en
l’abîmant, il s’abîme lui-même.
Et vous, quels sont les lieux naturels auxquels vous aimeriez voir attribuer une identité juridique ?
Marie-France Fourrier