En début d’année, nous avions évoqué les jardins-forêts, inspirées notamment par Martin Crawford, à propos des corridors d’échanges vitaux et des îlots de biodiversité. Vous avez été nombreux et nombreuses à nous poser des questions : comment ces forêts fonctionnent-elles ? En quoi sont-elles bénéfiques ? Que puis-je faire, à mon échelle ?
Les jardins-forêts sont des milieux créés par l’homme et inspirés des forêts naturelles. Le terme vient du fait qu’ils peuvent être créés dans de petits espaces, dans un jardin, une cour d’école, devant un immeuble de bureaux ou sur une place publique. Ils ne sont donc pas un morceau de nature isolé : ils peuvent être intégrés à l’espace urbain pour ramener la nature dans notre quotidien.
Ils permettent de reconstituer la biodiversité et de préserver la flore et la faune locale, tout en améliorant notre cadre de vie, grâce à plusieurs caractéristiques.
Tout d’abord leur structure. Les plantes poussent sur différents étages de végétation : la couche la plus haute, la canopée, est constituée de grands arbres ; un peu plus bas, on trouve des arbustes ou arbrisseaux ; puis des buissons, et enfin des plantes herbacées, près du sol. D’autres niveaux peuvent s’ajouter à cette structure de base, par exemple des plantes couvre-sol qui se propagent horizontalement ou encore une couche verticale de plantes grimpantes, telles que des vignes.
Quel est l’intérêt de cette structure ? Elle permet avant tout une densité incroyable de plantes – et donc de la faune qu’elles abritent -, précieuse dans nos villes où chaque mètre carré doit être disputé au béton. Les couches végétales se complètent aussi les unes les autres : les plantes couvrantes protègent le sol du dessèchement l’été et du gel en hiver. Les grands arbres, en retour, fournissent de l’ombre et perdent leurs feuilles qui sont transformées en nutriments pour eux-mêmes et pour les autres plantes.
Deuxièmement, la forêt-jardin nous apprend patience et résilience.
Notre mode de production industriel consiste à retrancher des matériaux à l’environnement et les transformer de manière irréversible ; dans la nature, où chaque élément redevient une ressource à la fin d’un cycle, il n’y a pas de déchet. Pendant les premiers mois, la forêt grandit en profondeur. Elle nous semble à l’arrêt. En réalité, les racines qui poussent sous la surface forment un maillage qui retiennent le sol et abritent microbes et champignons, qui apportent des nutriments aux jeunes pousses. Des symbioses se créent.
Après les premières années où l’arrosage et l’élimination de certaines plantes est nécessaire, la forêt dense entre dans un cycle d’auto-préservation. L’eau est retenue dans le sol et la biomasse de la forêt fournit les nutriments nécessaires à sa croissance. Sans intervention humaine, le jardin-forêt peut théoriquement se régénérer à l’infini.
Les jardins-forêts sont donc une branche de la permaculture. Ce terme vient en effet de la contraction de l’anglais permanent agriculture, qui vise à créer des habitats humains plus autonomes, durables et résilients.
Et si ces symbioses peuvent se développer, c’est que les éléments du jardin-forêt sont locaux et que le jardinier ne fait que les rassembler dans un contexte favorable : sol, biomasse, micro-organismes et graines ou pousses sont natifs de la région, c’est-à-dire présents avant toute intervention humaine. Les engrais ou pesticides qui visent à remplacer les interactions entre éléments minéraux et entre êtres vivants ne sont donc pas nécessaire. Le jardin-forêt est un système fondé sur l’efficacité, où aucune particule de matière ou goutte d’énergie – la nôtre ou celle des plantes – n’est perdue.
Travailler avec la nature plutôt que contre elle. Et trouver notre place légitime dans notre environnement.
La notion de jardin-forêt ne prétend donc pas donner une méthode d’agriculture générale. Ce concept de diversité est à l’opposé de l’uniformisation et de l’appauvrissement des espèces, des pratiques et des savoir-faire.
Enfin, le jardin-forêt est avant tout collectif. Famille, école, village ou quartier, entreprise : peu importe l’échelle, le jardin-forêt réuni autour d’un projet et de bénéfices communs. Il peut être conçu dans l’optique d’une production alimentaire, en plantant des arbres fruitiers ou à coque, des buissons à baies ou aromatiques, ou encore des légumes vivaces et des plantes médicinales. Ils forment alors les agroécosystèmes (c’est-à-dire les écosystèmes modifiés par l’homme pour exploiter une partie de sa production organique) les plus résistants et jouent un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire de demain.
Plus généralement, Wen Rolland, un permaculteur Québécois, propose le terme de forêt nourricière comme espace nourricier non seulement pour l’humain, mais aussi pour l’ensemble des habitants de l’écosystème ainsi que pour le sol, tout en nourrissant l’inspiration de ceux qui y travaillent et s’y promènent par sa beauté naturelle.
Biodiversité, qualité de l’air, réduction du bruit et de la poussière, nourriture saine pour le collectif : le jardin-forêt répond à la dégradation à la fois du corps, de l’écosystème et de l’esprit.
Et vous, comment imaginez-vous ramener la nature dans votre jardin ?
Marie-France Fourrier et Elena Richard
L’entreprise Afforestt (site ici) créé des jardins-forêts dans le monde entier et proposent de faire grandir 300 arbres sur l’espace occupé par 6 places de parking. Des ressources en accès libre sur la création de jardins-forêts sont en cours de rédaction