Les biens communs sont-ils une « tragédie » ? L’expression a été popularisée dans les années 1970, suivant une conception plutôt pessimiste de l’humain – égoïste et aveuglé par son intérêt.
En effet, les biens communs sont des ressources (matérielles ou non) rivales et non-exclusives, c’est-à-dire que leur utilisation par une personne diminue la quantité (ou qualité) disponible pour les autres, mais qu’une personne peut difficilement en empêcher l’accès aux autres. Il peut s’agir d’une copropriété, d’un système d’irrigation collectif…mais aussi des océans, des forêts ou du climat.
Pour autant, les communs sont-ils condamnés à la surexploitation par des individus incapables de prendre en compte l’intérêt collectif et de collaborer ?
Non, répond Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Dans Gouverner les communs, publié en 1990, elle propose une gestion des ressources partagées par les acteurs directement concernés, de manière collective et responsable.
Cette approche ne considère pas les biens en eux-mêmes, de manière abstraite ou purement utilitaire, mais prend en compte les interactions sociales qui permettentle partage dans la durée.
En s’appuyant sur la variété et l’inventivité des communautés qu’elle étudie, la chercheuse démontre que « chaque commun est un cas particulier ». Cependant, elle en a aussi tiré 8 principes de gouvernance locale et collective nécessaires à une gestion efficace :
— des groupes aux frontières définies ;
— des règles régissant l’usage des biens collectifs qui répondent aux spécificités et besoins locaux ;
— la capacité des individus concernés à les modifier ;
— le respect de ces règles par les autorités extérieures (c’est-à-dire par les autres institutions, comme l’Etat, les collectivités locales, etc.);
— le contrôle du respect des règles par la communauté qui dispose d’un système de sanctions graduées ;
— l’accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux ;
— la résolution des conflits et activités de gouvernance organisées en strates différentes et imbriquées.
Ainsi, Ostrom plaide pour la création de communautés – et non de simples cohabitations forcées – fondées sur le consensus découlant d’intérêts communs.
Que signifient ces principes pour nous, dans la vie de tous les jours et en dehors des contextes agricoles souvent pris en exemple ? Comment pouvons-nous nous donner les moyens et le temps de travailler ensemble à la protection des communs ?
Les principes des biens communs peuvent aussi s’appliquer à l’entreprise, comme projet partagé et communauté d’individus engagés. Définition collective des règles, autres organisations du travail possible, relations entre salariés mutuellement enrichissantes, culture d’entreprise intégratrice et féconde…
Et vous, quels projets collectifs imaginez-vous ?
Marie-France Fourrier et Elena Richard
(1) Elinor Ostrom, « La politique verte doit être impulsée de la base », Les Echos, 2012.
Elinor Ostrom, Governing the Commons : The Evolution of Institutions for Collective Action (Political Economy of Institutions and Decisions), Cambridge University Press, 1990.
International Association for the Study of the Commons (IASC): l’association co-fondée par Elinor Ostrom fournit de la documentation et organise de nombreuses conférences et workshops pour améliorer la gestion des biens communs. Voir son site ici.