Je travaille mois après mois à transformer progressivement ce qui était une grande pelouse, avec peu de diversité, en une série d’îlots de biodiversité reliés entre eux. Je m’inspire des travaux de Martin Crawford sur les forêts-jardins.
Le principe de ces espaces repose sur des interactions entre espèces inspirées des forêts nourricières. Des plantes comestibles, de différentes hauteurs, se complètent pour créer un système pérenne et équilibré, demandant peu de travail du sol, de désherbage ou de contrôle des ravageurs. Comprendre comment le monde naturel s’organise permet de créer à la fois un système de production soutenable et un magnifique lieu de vie et de travail.
A ma toute petite échelle, je plante un bébé arbre (souvent issu d’une graine plantée il y a 2 ou 3 ans) qui complètera la partie haute du jardin – la future canopée. Autour, de petits arbustes permettent de fixer l’azote dans le sol, d’offrir de la nourriture aux oiseaux (qui déposeront de l’engrais organique) et aux auxiliaires du jardin, et de faciliter l’implantation des couvre-sol. Ces derniers offrent aux vers de terre un espace protégé, préservent la diversité de graines de fleurs sauvages locales et abritent le sol du soleil ardent.
Et à chaque fois c’est le miracle, dans ce mini monde toute une série d’habitants s’installent et prospèrent. Comme dans un marché de village, les échanges se mettent en place et chacun contribue à construire la bulle de forêt-jardin en naissance.
Il ne me reste plus qu’à relier les îlots entre eux par des branches en décomposition, du compost et de la paille pour favoriser l’installation des mycorhizes et créer des corridors de la circulation des habitants …
Parce que, comme dans un village, les échanges sont vitaux pour l’écosystème, et la fragmentation d’habitats autrefois continus menace la biodiversité en empêchant les interactions entre les êtres vivants. Une étude publiée dans le magasine américain Science montre que la création de corridors entre les habitats entraîne, en près de 20 ans, 14% d’espèces de plus par rapport à des terrains fragmentés. La connectivité a un rôle majeur à la fois dans la colonisation, la survie et la richesse des espèces. D’après Nick Haddad, co-auteur de l’étude, les corridors d’échanges constituent un premier pas intuitif pour reconstituer la biodiversité.
Et la question se pose également pour moi. Quels sont les ilots de biodiversité intellectuelle, sociale, artistique, vers lesquels je dois maintenir des corridors de circulation pour moi-même et pour plus grand que moi ? Je m’interroge pour maintenir la biodiversité autour de moi et faciliter la création de corridors vers mon ilot.
Et vous, quel type d’îlot êtes-vous ? Quels habitants cherchez-vous à attirer et comment rendez-vous votre ilot attractif et utile pour eux ?
Marie-France Fourrier
La forêt-jardin, Martin Crawford. Editions Ulmer, 2017.