Les gouttes d’inspiration : Au fil des saisons, au fil des balades, cette « brève » est l’occasion de partager avec vous une réflexion inspirée par la nature et l’énergie du vivant.
L’été s’éloigne peu à peu. La récolte de noisettes se poursuit au Jardin. Je ramasse les petites grappes au pied de l’arbre et les détache délicatement les unes des autres.
Cette année, les noisetiers ont été productifs, et les fruits s’entassent dans les paniers en osier.
Protégées par leurs coques nichées dans une collerette de feuilles d’un joli brun, les noisettes roulent entre mes doigts. Je pense aux soirées tranquilles d’hiver où toute la famille se réunit pour les décortiquer.
Les uns trient, jettent celles qui ont été grignotées par les souris.
D’autres font craquer la coque avec le casse-noisette.
D’autres encore décortiquent.
Comme une petite usine.
Pourtant, on est loin du travail à la chaîne : des regards complices s’échangent, des plaisanteries sont lancées, on profite de la chaleur du feu et souvenirs partagés par chacun. Toute la famille est en harmonie, dans l’espace protégé de la maison. Le parfum des noisettes rend l’atmosphère joyeuse, l’esprit et le regard se posent. Chacun s’ouvre aux autres, écoute et est écouté.
Les gestes simples ont ceci de précieux qu’ils laissent l’esprit vagabonder tandis que les mains s’agitent d’elles-mêmes, reproduisant toujours le même mouvement. Comme sur les bateaux-lavoirs, où les lavandières battaient le linge, les brins de vie s’échangent, se tissent, les couleurs se mêlent.
Que reste-il de ces gestes aujourd’hui ?
Alors que les liens se distendent, se virtualisent, ces gestes anciens permettent à la famille, aux amis, de se retrouver. De prendre son temps, ensemble. De profiter tout simplement de la présence de l’autre.
Ils nous montrent aussi la valeur du travail en commun. Des petites gouttes d’eau qui, ensemble, font l’océan.
A notre époque, il faut vivre vite, ne pas perdre une minute. Et surtout, être productif. Sommes-nous encore capables de prendre le temps de décortiquer les petites noisettes, une par une ? D’écouter ce que l’autre a à nous dire ?
Pouvons-nous réinventer ces gestes ? Les adapter à notre nouveau mode de vie ? A l’omniprésence du numérique dans notre quotidien ?
Je vois une certaine similitude entre la structure d’Internet et les relations humaines. Les liens hypertextes relient les pages du web de la même manière que les liens familiaux, amicaux, amoureux, relient les individus entre eux.
Je peux « décortiquer des noisettes » en ligne, en utilisant les outils que notre époque met à ma disposition sans les laisser s’approprier mon temps et mes relations aux autres. Faire communiquer le virtuel avec le réel, et le réel avec le virtuel. Et surtout, utiliser le virtuel pour approfondir les liens et susciter les rencontres dans la vie réelle.
Et vous ?
Marie-France Fourrier