” Madame, Madame ! Tu veux bien nous aider ? »
Ce mercredi est étonnamment doux : il flotte un air de printemps précoce. Un frémissement joyeux.
Je reviens d’un rendez-vous et je traverse un quartier que je ne connais pas, à la périphérie de Paris, le nez au vent, un sourire sur les lèvres.
« Madame, Madame ! Tu veux bien ? Toi tu es grande … »
Elles sont adorables : elles ont entre 6 et 12 ans, et se ressemblent toutes les trois comme des sœurs : les mêmes grands yeux en amande, sourires éclatants, tresses serrées ornées de perles multicolores, longues jambes de gazelle.
A leurs pieds et dans leurs mains, des sphères marron clair. Je prends celle qui m’est tendue. Elle est douce, lisse, presque tiède, comme vivante.
« Tu veux bien la jeter là-bas ? Nous, on n’y arrive pas, c’est trop loin »
Je jette la petite bille par-dessus le grillage dans la direction qu’elle m’indique. Derrière le grillage, un bout de chantier visiblement à l’abandon, envahi de ronces, émaillé de canettes…
Elles m’expliquent : elles ont gagné des sachets de graine à une tombola d’école. Elles n’ont pas de jardin, mais elles ont envie de rendre les endroits moches plus beaux l’été. Alors elles ont soigneusement enrobé chaque graine dans un mélange de terre et d’argile trouvés dans une lisière de chantier (« comme ça chaque graine aura un peu de bonne terre quand elle sortira »). Et elles les jettent dans les espaces qu’elles veulent fleurir.
Passionnée par la nature et par les archétypes, je suis profondément touchée par leur énergie et leur magnifique projet, auquel j’aimerais contribuer un peu, à ma mesure : nous décidons de nous retrouver le mercredi suivant au même endroit.
Je suis de retour avec des sacs de graines, moissonnées l’été dernier au Jardin des Déesses : graines robustes de seigle, vesce, lin, souci, achillée, asters, linaire, tournesols, muflier, capucine … Elles ont moissonné, elles aussi ! Elles ont amené toutes leurs copines : une escouade de jolies jardinières. Le temps est moins clément, mais l’énergie de la ruche est solaire.
Et nous passons une joyeuse après-midi à préparer les billes, choisir celles qui seront gardées en réserve, celles qui seront semées, et à faire ensemble l’école buissonnière des lieux abandonnés.
Gratitude et joie pour ce moment partagé. Nous avons été portées par les mêmes énergies : Déméter, semeuse du vivant, Aphrodite muse de la joie et du beau. Nos chemins et nos aspirations se croisent : elles ne savent pas quelles graines pousseront, ni où. Mais elles ont porté un autre regard sur ces lieux partagés et abandonnés, un regard de vie, un regard de rêve …
Et nous, qu’avons-nous profondément envie de ré-enchanter ? Quels rêves nous habitent ? Quelles graines avons-nous envie de semer ?
Je vous souhaite un printemps vivifiant.
Marie France Fourrier
Coach et permacultrice du vivant